C.G.T.-F.O.

C.G.T.-F.O.
C.G.T.-F.O.

Née d’une scission de la C.G.T. intervenue en décembre 1947 et consacrée par un congrès constitutif en avril 1948, la Confédération générale du travail-Force ouvrière se déclare continuatrice du syndicalisme réformiste de la «vieille C.G.T.» de l’entre-deux-guerres. Depuis ses origines, l’organisation a connu une lente mais assez régulière progression et son ambition reste de reconquérir la première place dans la pluralité syndicale française.

La phase de construction

Précédée par le départ de divers syndicats ou de fragments d’organisations opposées à la direction communiste de la C.G.T., accélérée par les grèves dures qui éclatent après la fin du tripartisme, la rupture de 1947 a été imposée par la base et par les stratèges de la troisième force à Léon Jouhaux, qui restait attaché à la perspective de redressement interne. Les socialistes qui créent la nouvelle centrale sont bien implantés parmi les fonctionnaires et les employés. Ils disposent d’un journal, Force ouvrière , qui prolonge l’organe de tendance des confédérés pendant la clandestinité: Résistance ouvrière . Contrairement à leurs attentes, les minoritaires sont privés de l’apport de la Fédération du livre, qui reste à la C.G.T., et de la Fédération de l’éducation nationale, qui demeure dans l’autonomie. Au départ, la C.G.T.-F.O. compte environ 300 000 membres. Son secrétaire général, Robert Bothereau, se consacre à la mise en place des unions départementales, à la création de syndicats et de fédérations. Avec de fortes inégalités, le maillage territorial et professionnel est, pour ainsi dire, achevé en 1950. Les élections pour les caisses de la Sécurité sociale, qui ont lieu la même année, fournissent une mesure de l’audience de la centrale: F.O. recueille 15,1 p. 100 des suffrages exprimés.

Un syndicalisme de la fonction publique

Faible dans le secteur privé, Force ouvrière n’y intervient pas moins en signant des accords de salaires, ou en participant à la politique de productivité, comme dans le textile. Néanmoins, dans les années cinquante, son influence s’exerce de manière prépondérante dans la fonction publique où les liens avec la franc-maçonnerie facilitent les interventions. Les militants font preuve de combativité, notamment lors de la grande grève d’août 1953 qui mit en péril le gouvernement Laniel. Camille Mourgues, des P.T.T., André Lafond, des cheminots, Pierre Tribié, des fonctionnaires, avec les deux tiers d’adhérents dont ils sont les porte-parole, ont un grand poids dans l’organisation, où l’autorité du secrétaire général s’affirme au fil des ans.

Deux crises: l’Algérie française, la voie du modernisme

Reprenant une opinion largement partagée, François Sellier et André Tiano écrivent dans leur manuel d’Économie du travail (P.U.F., 1962) que «les comptes rendus des congrès» de Force ouvrière «sont désespérement vides». La vie interne de l’organisation, assez riche, affleure rarement à l’extérieur. Deux débats vont cependant l’ébranler et connaître la publicité. Le premier concerne l’Algérie française. Par anticommunisme exacerbé, des militants, tels Raymond Le Bourre et André Lafond, se dressent contre l’activité du M.N.A. et du F.L.N., alors qu’une part importante de la fonction publique est soucieuse de préserver la carrière coloniale. Pour la première fois, un décalage apparaît entre la centrale française et la Confédération internationale des syndicats libres, qui ne lui avait pas ménagé son soutien. Robert Bothereau usa de ses capacités manœuvrières pour réduire les extrémistes et Force ouvrière accepta l’indépendance de l’Algérie. L’arrivée du général de Gaulle facilita la tâche du secrétaire général, car André Lafond et Raymond Le Bourre perdirent leur crédit en participant à l’avènement de la Ve République.

André Bergeron succède à Robert Bothereau en 1963. Le début de son secrétariat est marqué par l’émergence d’un courant moderniste dont les principales figures sont Antoine Laval, de la métallurgie, Maurice Labi, de la chimie, et Robert Cottave. Regroupés autour d’un bulletin, Idées et actions , ces militants projetaient de renouveler l’action syndicale en raison des transformations économiques et sociales que l’expansion avait provoquées. Maurice Labi passe de la réflexion à l’affirmation politique. Au congrès confédéral de 1966, il présente une motion qui obtient 9,2 p. 100 des mandats. Il participe au meeting de Charléty, le 27 mai 1968. Son étoile pâlit. Au congrès de 1971, son projet de résolution ne recueille plus que 4,5 p. 100 des mandats. Il rejoindra la C.F.D.T. en 1972, avec une partie de la Fédération de la chimie.

La distanciation avec le P.S.

Durant la IVe République et au début de la Ve, F.O. et la S.F.I.O. partageaient les mêmes options stratégiques, la troisième force d’abord, le soutien au régime gaulliste ensuite. Les dissensions apparurent après la fin de la guerre d’Algérie, lorsque la logique de la bipolarisation imposa le rapprochement du Parti socialiste et du P.C.F. L’apparition de la C.F.D.T., qui combinait l’unité d’action avec la C.G.T. et la recherche d’une voie originale avec la planification démocratique et l’autogestion, conduisit les dirigeants de Force ouvrière à prendre leurs distances vis-à-vis des socialistes, trop enclins à s’allier avec la deuxième gauche. Une des suites politiques des événements de mai 1968, la signature du Programme commun de gouvernement entre le nouveau P.S. et le P.C.F. en 1972, consacra l’éloignement du syndicat réformiste du courant socialiste.

L’autonomisation de Force ouvrière s’accompagne de transformations idéologiques et pratiques. Les orientations de la «vieille C.G.T.» furent insensiblement révisées. Au lieu de promouvoir un syndicalisme unitaire et doté d’un projet global, André Bergeron accepte le pluralisme et se limite à la défense des intérêts des salariés. L’idée du plan, si fortement avancée en 1953, est réduite à un instrument de régulation souple et indicative. Les «nationalisations industrialisées» ne sont plus évoquées. Le laïcisme est atténué. La vie contractuelle et le paritarisme vont constituer désormais le cœur du syndicalisme. F.O. se définit comme le support des accords collectifs et le gestionnaire de la Sécurité sociale, des régimes de retraite complémentaire et d’aide aux chômeurs. Elle s’applique à établir avec le gouvernement et le patronat les meilleurs compromis possibles, sans menacer la démocratie politique et la paix sociale. Les entretiens d’André Bergeron avec Georges Pompidou puis avec Valéry Giscard d’Estaing symbolisaient le rôle d’interlocuteur privilégié que la confédération entendait tenir.

Depuis 1948, Force ouvrière comporte en son sein des minorités qui contestent son réformisme: anarchistes comme Maurice Joyeux, syndicalistes révolutionnaires tel Alexandre Hebert, ou trotskistes avec les figures connues d’Arlette Laguiller et de Pierre Boussel-Lambert. En 1974, une poignée de militants influencés par le C.E.R.E.S. déposent au congrès de Toulouse un amendement dont le sens est de rappeler l’inspiration socialiste de la confédération: ils obtiennent 8,3 p. 100 des voix. À la fin de la même année, le courant de Jean-Pierre Chevènement réclame l’exclusion d’André Bergeron du Parti socialiste, dont il est membre depuis 1936. Dans Ici et maintenant , François Mitterrand rappelle l’épisode et l’opposition qu’il marqua au projet. André Bergeron s’en souviendra en 1980, lorsqu’il déclare à la Dépêche du Midi que le premier secrétaire du P.S. est «le mieux à même de rassembler les courants qui composent le Parti socialiste» pour le conduire à la victoire de 1981. Le C.E.R.E.S. se manifeste encore au congrès de 1977, où une résolution «socialiste» obtiendra 9,4 p. 100 des mandats. Chant du cygne pour ceux qui se proposent de rapprocher officiellement F.O. du P.S.

Sous la première présidence de François Mitterrand, F.O. subit des épreuves, avec la perte de la primauté au Conseil supérieur de la fonction publique, avec la sanction infligée par Nicole Questiaux à un responsable de la Sécurité sociale dans les Bouches-du-Rhône, René Lucet, qui se suicidera, avec une controverse sur une aide en dollars fournie par le Free Trade Union Institute. La centrale conjugue habilement, dans les négociations interprofessionnelles et professionnelles, la fermeté et l’art de la concession, de sorte que son audience s’accroît. Aux yeux d’un nombre grandissant de salariés, elle incarne le réalisme et le sens du bien commun. Elle obtient 28,5 p. 100 des suffrages aux élections de la Sécurité sociale en 1983. Ses effectifs se consolident et se rééquilibrent. Le secteur privé devient aussi important que le secteur public, avec l’appui du R.P.R. L’hétérogénéité interne s’accentue. Néanmoins, le XVe congrès, en 1984, se tient sous le mot d’ordre: «reprendre notre place historique, la première». La syndicalisation des enseignants, en concurrence avec la F.E.N. André Bergeron abandonne ses fonctions en février 1989. Mais sa succession a été mal préparée et le XVIe congrès préfère Marc Blondel, partisan d’un «syndicalisme de contestation», à Claude Pitous, plus proche de l’ancien secrétaire général. L’organisation paraît fragilisée, mais ses chances demeurent évidentes: face à la crise, elle représente la sécurité pragmatique; elle s’inscrit dans la coalition majoritaire des syndicats européens.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”